Dans un mois tout juste, le 12 mars, le football africain connaîtra le nom de son nouveau patron au terme d’un feuilleton à rebondissements dans lequel la Fédération internationale de football (FIFA) n’a cessé de jouer les premiers rôles. Et cette influence pourrait se confirmer jusqu’au bout du processus, puisque c’est encore à la FIFA qu’il reviendra de trancher au sujet de l’éligibilité d’Ahmad Ahmad, l’actuel président de la Confédération africaine de football (CAF).
Le Malgache a du souci à se faire. Elu en 2017, il avait été suspendu en novembre pour cinq ans par le comité d’éthique de la FIFA pour abus de pouvoir et détournement de fonds. Rétabli fin janvier dans ses fonctions par une décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) qui l’autorisait à mener campagne, M. Ahmad a finalement subi un nouveau revers : le 6 février, le comité exécutif de la CAF a demandé à la FIFA de décider de son sort. Son seul espoir de se voir remis en selle est désormais à chercher du côté du TAS, lequel est censé rendre à partir du 2 mars un jugement sur sa suspension.
« Il faut s’attendre à des manœuvres »
« Avec Motsepe ou Yahya à la tête de la CAF, la FIFA exercerait sans aucun doute une emprise plus forte. Surtout s’il s’agit de Motsepe, qui est un homme d’affaires très riche, président d’un club, le Mamelodi Sundows FC. A cause de son business, il ne pourrait pas consacrer 100 % de son temps à l’instance, ce qui favoriserait l’influence d’Infantino. Anouma et Senghor, qui ont beaucoup plus d’expérience, ne se laisseraient pas faire, souligne un dirigeant d’une fédération ouest-africaine. On a le sentiment que la FIFA cherche à contrôler la CAF. Elle ne se le permettrait pas avec l’UEFA. C’est presque malsain. Il faut s’attendre à des manœuvres, comme celle consistant à tenter d’orienter les votes grâce à des promesses de subventions pour des programmes de développement. »
Ainsi, l’entrisme de la FIFA en agace plus d’un sur le continent. Il faut dire que les membres de certaines fédérations ont gardé en travers de la gorge les propos de M. Infantino, qui, en janvier 2020 à Rabat, s’était ouvertement prononcé en faveur d’une phase finale de Coupe d’Afrique des nations (CAN) tous les quatre ans, au lieu de deux actuellement. L’attitude de l’Italo-Suisse avait également froissé lorsqu’il avait ouvertement affiché sa préférence, en 2018, pour la candidature commune des Etats-Unis, du Canada et du Mexique face à celle du Maroc pour l’organisation de la Coupe du monde 2026.
« La FIFA a besoin d’un CAF forte »
Augustin Senghor n’ignore rien des tensions entre les deux instances. « Elles peuvent ne pas s’entendre, mais elles sont condamnées à travailler ensemble. La FIFA a besoin d’une CAF forte », insiste le président de la Fédération sénégalaise de football, laissant entendre qu’il ne se laisserait pas imposer ses choix s’il était élu le 12 mars : « Il y a eu des incompréhensions ces derniers temps, sur des décisions prises de part et d’autre, et le nouveau président de la CAF devra chercher à rétablir cette relation de confiance. »
Il y a quatre ans, à Addis-Abeba, M. Infantino et Mme Samoura avaient apporté leur soutien à M. Ahmad, alors candidat face au Camerounais Issa Hayatou, qui dirigeait la CAF depuis 1988. La justice interne de la FIFA, après avoir reçu plusieurs documents envoyés par des dirigeants de fédérations africaines, avait d’ailleurs ouvert une enquête pour tenter de déterminer avec précision le rôle joué par M. Infantino dans l’accession au pouvoir du Malgache.
Un ancien membre de la CAF, réputé proche de M. Hayatou, se souvient du contexte qui avait entouré l’élection : « Infantino promettait aux fédérations qui voteraient pour Ahmad de verser rapidement les aides financières de la FIFA pour la réalisation de tel ou tel projet. Il voulait absolument faire battre Hayatou, qui avait voté pour le Bahreïni Salman Al Khalifa lors de l’élection pour la présidence de la FIFA. » L’histoire pourrait bien bégayer…