Emmanuel Macron et ses homologues du G5 Sahel se réunissent lundi et mardi à Pau, dans le sud de la France. Les chefs d’État doivent évoquer la lutte contre le jihadisme au Sahel alors que la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Jeudi dernier, l’armée nigérienne a perdu 89 soldats dans une attaque jihadiste.
Emmanuel Macron réunit les chefs d’États africains du G5 Sahel lundi 13 et mardi 14 janvier à Pau. Outre les présidents du Tchad, Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, le sommet accueillera le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, et le président du Conseil européen, Charles Michel.
Le choix de Pau est hautement symbolique. Sept des treize soldats français qui ont perdu la vie dans un accident d’hélicoptère au Mali, en novembre dernier, venaient du 5e régiment d’hélicoptères de combat de la ville. Une cérémonie pour leur rendre hommage sera organisée.
Sentiment antifrançais
Pour la France et ses partenaires, ce sommet sera l’occasion de s’accorder sur la stratégie, les moyens et les engagements pris par chacun dans la région du Sahel. La France agit dans la région avec l’opération Barkhane. Mais la présence des 4 500 soldats français soulève de nombreuses critiques sur le terrain, ce qui ne manque pas d’irriter Emmanuel Macron.
« Ces dernières semaines, le président français a critiqué ceux qui dénoncent la présence française. Il ne comprend pas ces critiques au sein de la population civile et de certains hommes politiques », explique Clovis Casali, envoyé spécial de France 24 à Pau. En lançant son invitation, Emmanuel Macron avait d’ailleurs averti qu’il mettrait toutes les options sur la table, y compris celle d’un retrait ou d’une baisse des effectifs de Barkhane.
Le sentiment antifrançais se développe en particulier au Mali, où un millier de personnes ont encore manifesté vendredi à Bamako pour réclamer le départ des troupes françaises et étrangères. Lundi, Paris veut avant tout obtenir une déclaration commune des cinq pays qui soulignera que la France agit à la demande de ses dirigeants, afin de « relégitimiser » sa présence, explique la présidence.
« Il faut tout d’abord obtenir des responsables politiques une position nette sur ce qu’ils souhaitent ou pas », a tranché samedi la ministre des Armées, Florence Parly. « La rencontre sera décisive, en ce qu’elle permettra de mettre sur la table toutes les questions, tous les griefs, toutes les solutions », avait jugé pour sa part le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, début janvier.
Appel aux Européens
Outre son volet politique, le sommet de Pau vise aussi à revoir la stratégie militaire contre les jihadistes dans cette zone aussi vaste que l’Europe et appeler à une participation accrue des alliés internationaux, surtout européens. Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, entend ainsi lancer « un appel à la solidarité internationale » pour que le Sahel et la France ne soient pas seuls dans ce combat contre le « fléau » jihadiste.
La France est par ailleurs en train de mettre sur pied une opération baptisée « Tacouba », réunissant des forces spéciales d’une dizaine de pays européens. Paris espère que le sommet de Pau convaincra des Européens réticents, favorables à la lutte contre les jihadistes dans la région mais inquiets de voir la France critiquée.
Autre inquiétude, les hésitations des Américains, dont l’appui militaire dans la région est irremplaçable, explique l’Élysée. Car depuis l’attaque d’Inates, le sang ne cesse de couler dans cette zone sahélienne semi-désertique, devenue depuis 2012 le terrain d’action de plusieurs groupes jihadistes, pour certains affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation État islamique. Jeudi dernier, l’armée nigérienne a subi l’une de ses pires pertes dans une attaque jihadiste : 89 soldats tués, dans le camp de Chinégodar, près du Mali.
Le sommet lui-même, initialement prévu le 16 décembre, avait été reporté après une attaque jihadiste au camp d’Inates (Niger) ayant fait 71 morts. Selon l’ONU, plus de 4 000 personnes ont été tuées dans des attaques terroristes en 2019 au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Le nombre des déplacés a décuplé, approchant le million.