Ils sont en réalité quatre individus, dont le fils d’un marabout, qui ont été interpellés par la Brigade de recherches de la gendarmerie de Keur Massar, alors qu’ils tentaient de « laver » des billets noirs d’un montant de deux milliards de FCFA. Dans sa livraison de ce mercredi, le quotidien l’Observateur informe que l’opération planifiée en Gambie s’est déroulée entre Thiès et Dakar avant qu’elle ne soit stoppée à l’ultime étape à Keur Massar par le Major Abdou Aziz Kandji.
Le vendredi 1er décembre dernier, dans un rutilant véhicule, trois individus quittent la Gambie pour rallier Dakar. Au volant, le nommé M. Touré et à ses côtés, sur le siège passager avant, se trouve M. Aïdara, fils d’un chef religieux gambien, alors qu’à l’arrière du véhicule, s’est installé O. Danfakha. Les deux premiers sont des Gambiens, le troisième un Bissau-guinéen. En ce jour de grande prière hebdomadaire, personne ne se doute qu’ils ont caché dans leurs bagages des billets de banque noirs qu’ils veulent faire «laver» à Dakar.
Au bout de quelques heures de voyage, le véhicule s’immobilise à Thiès où les billets noirs sont soigneusement cachés dans une villa. Puis le trio reprend la route pour Dakar qu’ils rallient en moins d’une heure. Dans la capitale sénégalaise, tel que cela a été convenu, leur contact du nom de B. Cissé se manifeste à eux. Et tous les quatre se retrouvent dans une maison pour discuter de la délicate opération de lavage des billets noirs. A Dakar, ils savent que le moindre faux pas peut faire capoter toute l’opération. Aussi, ils vont charger leur contact M. Cissé d’agir avec tact et discrétion pour leur trouver un technicien, expert en la matière, capable de laver les billets noirs, moyennant naturellement une commission.
Après plus de vingt-quatre heures, B. Cissé, très introduit dans le milieu du faux monnayage, fait passer discrètement le message dans le «milieu» où l’omerta est de règle. Hélas, malgré le fait qu’il soit très fermé, le milieu était déjà infiltré par un gendarme en mission et qui a réussi à manœuvrer ferme pour que son «expertise» en matière de faux monnayage arrive aux oreilles à de B. Cissé. La manœuvre fait mouche au point que B. Cissé voue une confiance aveugle à celui qui lui a été présenté comme un expert en la matière et qui, en réalité, est un élément de la Brigade de recherches de la gendarmerie de Keur Massar.
Après d’âpres discussions sur la commission réclamée par l’«expert» (en réalité un gendarme infiltré), un accord est vite conclu sur le montant. L’expert leur exige ensuite de trouver un appartement dans une zone calme et sûre afin que l’opération de lavage se déroule sans aucun problème. «Lavez deux milliards de billets noirs pour les transformer en faux requiert du temps et de la quiétude», leur souffle l’expert qui leur laisse le choix de trouver l’endroit idéal. L’accord conclu, B. Cissé court vite apporter la bonne nouvelle au trio qui l’attendait tranquillement dans une maison à Dakar.
Dans la matinée du dimanche, les quatre individus, en l’occurrence les deux Gambiens, le Bissau-Guinéen flanqués de leur contact sénégalais, réussissent à dénicher un appartement loin de la capitale sénégalaise, à Keur Massar, au quartier Firdawsi. Puis tous les quatre, après avoir visité et sécurisé l’appartement, s’engouffrent dans le rutilant véhicule pour se rendre à Thies où ils récupèrent les liasses de billets noirs avant de revenir dans l’appartement, accompagnés cette fois du technicien chargé de «laver» les billets noirs. Jusque-là, les quatre individus sont loin de se douter que le technicien à l’allure nonchalante est en réalité un gendarme.
Et, pendant que le quatuor rendait compte au marabout Aïdara, resté en Gambie, le Major Abdou Aziz Kandji qui avait réussi à localiser l’appartement grâce à l’élément infiltré était en train de peaufiner avec ses hommes une stratégie pour surprendre les faussaires. Dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 décembre, l’assaut est lancé. Les gendarmes, à l’insu des habitants de Firdawsi, quadrillent le quartier pendant que le Major Abdou Aziz Kandji, flanqué de quelques éléments, l’arme bien en place pour éviter toute mauvaise surprise, défonce la porte de l’appartement et surprend les quatre faussaires et l’élément infiltré.
Une entrée avec fracas qui selon l’Obs, n’a laissé aucune chance aux quatre faussaires qui assistent impuissants à la saisie des billets noirs et de tout l’arsenal déployé par le pseudo-technicien. Ils sont ensuite tous embarqués et conduits à la Brigade de recherches de la gendarmerie de Keur Massar située à un jet de pierre. «C’est comme si les faussaires se sont jetés eux-mêmes dans la gueule du loup. Quelle idée de venir laver des billets noirs dans un appartement situé à un jet de pierre de la Brigade de recherches», a commenté, hier mardi 5 décembre 2023, un habitant de Firdawsi présent au moment de la conduite au parquet des quatre faussaires, sous le regard moqueur de l’élément infiltré. Ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs et tentative de contrefaçon de billets de banque ayant cours légal sur le territoire national. Les billets saisis ont été mis sous scellés.
Mouhamadou Moustapha GAYE