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Dans une étrange ambiance, entre craintes et polémiques, le procès historique de l’ex-dictateur guinéen Moussa Dadis Camara et de ses coaccusés, jugés pour le massacre du 28 septembre 2009 qui avait fait au moins 156 morts et lors duquel au moins 109 femmes avaient été violées, devait rouvrir, lundi 13 novembre.
A la demande du parquet et à cause d’une grève des avocats, les audiences ont été suspendues pendant trois semaines, mais c’est l’évasion spectaculaire des accusés les plus célèbres du pays, le 4 novembre, qui est dans tous les esprits. Alors qu’une dizaine de responsables militaires de l’époque sont inculpés, l’ancien président Moussa Dadis Camara, son directeur de l’agence chargée de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, Moussa Tiégboro Camara, l’ancien procureur militaire Blaise Goumou et l’ex-ministre de la sécurité Claude Pivi ont été exfiltrés par un commando armé. Si les trois premiers ont été rapidement rattrapés par les forces de l’ordre, le quatrième est toujours en fuite.
« Claude Pivi a plusieurs soutiens, il peut se cacher n’importe où, d’autant qu’il vient de la région forestière, qu’il connaît parfaitement », souligne un ancien cadre politique du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC, une coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, dissout en 2022 par la junte au pouvoir) : « C’est un homme de guerre et de pouvoir. S’il en a l’occasion, il fera en sorte de perturber le pouvoir du président Mamadi Doumbouya. »
Cette évasion de la prison centrale de Conakry, située au cœur du quartier de Kaloum – où sont installés de nombreux ministères et la présidence –, ne cesse de faire polémique en Guinée, alors que ce procès est un engagement majeur du président de la transition, Mamadi Doumbouya, depuis son arrivée au pouvoir en 2021 – l’ancien chef des forces spéciales avait renversé Alpha Condé, le président qu’il était censé protéger. En 2022, Moussa Dadis Camara était rentré de douze ans d’exil pour répondre à la justice et « laver son honneur », selon ses proches. Les audiences du procès, qui se sont ouvertes quelques mois plus tard, sont suivies à la télévision nationale par tout le pays.
L’opération commando, qui, selon les premières informations, a été dirigée par Verny Pivi, le fils de Claude Pivi, suscite des interrogations sur l’efficacité et l’unité des forces armées. Le porte-parole du gouvernement a reconnu que « le commando avait pu entrer dans la prison parce que des agents postés sur place les ont laissés entrer ». Il a invoqué l’implication de bérets rouges du Bataillon autonome des troupes aéroportées, de membres de la Garde républicaine, de gendarmes et de gardiens.
Contactée par Le Monde, une des victimes qui souhaite garder l’anonymat, âgée de 33 ans à l’époque des faits, craint pour sa sécurité et celle de sa famille : « J’ai besoin que la justice de mon pays nous protège, je suis confuse et la peur gagne toutes les autres victimes avec qui je suis en contact. Trois des principaux commanditaires sont derrière les barreaux, mais ils ont énormément de soutiens et ce sont ces personnes qui nous ont violées et agressées. »
« Nous ne voulons pas un procès a minima, sans certains des accusés, affirme Alseny Sall. Même s’ils bénéficient de la présomption d’innocence, il est important que chacun soit présent, se défende et qu’au bout, il y ait une décision judiciaire qui puisse réparer les massacres et les atrocités commises le 28 septembre 2009. » Le militant est persuadé qu’à travers ce procès historique, la Guinée peut montrer l’exemple dans la sous-région. « Mais la sécurité de tous les acteurs doit être garantie », dit-il.