La bande à Sadio Mané est plus que jamais entrée dans la légende du football sénégalais après avoir remporté la première coupe d’Afrique des nations (CAN) de l’histoire du pays. Une victoire qui a, bien évidemment, plongé toute une nation dans une euphorie encore présente une semaine plus tard. Loin de vouloir jouer les trouble-fêtes, Seneweb souhaite mettre en exergue un phénomène dont sont victimes les vainqueurs de la CAN de ces 10 dernières années : la malédiction du champion. Tout en prenant le soin d’en donner les causes.
Le souvenir du dernier tir au but de Sadio Mané, lors de la finale contre l’Egypte ce dimanche 6 février, est encore frais dans les mémoires. Une victoire historique qui permet aux Lions du Sénégal d’obtenir leur première étoile continentale et ainsi de briller au milieu de la constellation des 14 autres nations vainqueurs de ce trophée avant eux, à nos jours.
Une récompense méritée, fruit du travail acharné d’un groupe qui a su faire preuve d’esprit de corps dans tous les compartiments du jeu durant toute la compétition. Outre la célébration de ce ‘’graal africain’’, l’heure est aussi aux perspectives quand on sait le potentiel de cette génération sénégalaise bien emmenée par Aliou Cissé. D’autant plus qu’un étrange phénomène se répète à chaque Coupe d’Afrique des nations (CAN) et touche les champions en titre.
En effet, depuis 10 ans et en 6 éditions, les vainqueurs de cette grande fête du football africain connaissent des lendemains contrastés voire sombres. Le dernier exemple en date est bien-sûr l’Algérie lors de la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations au Cameroun. Avant d’aborder ce tournoi, les Fennecs étaient perçus comme les grandissimes favoris au vu de leur état de forme du moment. Les hommes de Djamel Belmadi étaient sur une impressionnante série de 34 matchs sans défaite, un record en Afrique.
Leur première sortie contre la Sierra Leone va se solder sur un score nul et vierge (0-0). Mais lors de la deuxième journée, l’Algérie s’incline, à la surprise générale, contre la Guinée-Equatoriale sur le score d’un but à 0. Fin de série pour les guerriers du désert. Et comme un malheur ne vient jamais seul, Riyad Mahrez et ses coéquipiers vont lourdement s’incliner dans le dernier match contre la Côte d’Ivoire (4-1). Grosse surprise dans cette CAN, l’Algérie tenante du titre quitte prématurément la compétition.
Une longue tradition
L’Algérie n’est pas la seule à avoir été victime de ce sort car, comme annoncé plus haut, il semble se pérenniser au fil des compétitions. Pour constater ce phénomène, il faut remonter à la CAN de 2012 co-organisée par le Gabon et la Guinée-Equatoriale. Cette édition ne verra pas l’Egypte, vainqueur des trois précédentes CAN, y participer pour des raisons extra-sportives (nous y reviendrons plus bas). Quoique, cette absence a marqué le début d’un cycle vicieux pour les vainqueurs sortants.
Championne de l’édition 2012, la Zambie remet son titre en jeu un an plus tard en Afrique du Sud (CAN 2013). Malheureusement, les ‘’Chipolopolos’’ vont prendre la porte dès le premier tour après avoir enregistré trois matchs nuls (3 points). Cette compétition sera marquée par le sacre du Nigéria.
Deux ans plus tard, rebelote ; la malédiction du champion frappe à nouveau. Les «Super Eagles» ne participent pas à la compétition africaine de 2015 en Guinée Equatoriale. Une CAN qui va voir la Côte d’Ivoire remporter son deuxième titre continental après leur victoire en finale contre le Ghana (0-0 ; 9-8 tirs au but). Les Ivoiriens sont de la partie à la CAN de 2017 au Gabon.
Cependant, les Eléphants vont livrer l’une des pires performances de leur histoire en Coupe d’Afrique des Nations. Les hommes de Michel Dussuyer enchaînent 2 nuls contre le Togo et la République Démocratique du Congo (0-0 ; 2-2) et lors du dernier match, ils sont défaits par le Maroc sur le score d’un but à zéro. Avec 2 points au compteur, la Côte d’Ivoire prend la porte dès le premier tour. Cette 31e édition de la CAN verra le Cameroun obtenir son 5e titre continental.
Un vainqueur qui aurait dû organiser l’édition de 2019 mais face aux nouvelles exigences de la Confédération Africaine de Football, le Cameroun est obligé de se retirer de l’organisation. Elle se tient finalement en Égypte. Mais des tenants du titre précédemment cités, les Lions indomptables, auront la meilleure participation et seront éliminés en huitièmes de finale par le Nigéria. Une compétition que l’Algérie remportera après une victoire sur le Sénégal (1-0). La suite nous la connaissons…
Excès de confiance, transition ratée… les maux des champions
Mais alors pourquoi les champions éprouvent autant de peine à se remettre dans le bain après avoir été sacrés ? En ce qui concerne l’Égypte, les raisons se trouvent essentiellement dans la révolution égyptienne ayant débuté en janvier 2011. Un vent de révolte a emporté le président Hosni Moubarak et mis aux arrêts les activités sportives égyptiennes dont le football. Ainsi, le championnat a été mis aux arrêts et les clubs emblématiques tels que : «Al Ahly, le Zamalek», ont été contraints de fermer temporairement leurs portes. Une donnée importante quand on sait que 90% des joueurs, qui ont composé l’effectif des Pharaons lors de la CAN de 2010, proviennent du football local.
Cependant, les causes des descentes aux enfers des autres sélections sont purement sportives. Pour la Côte d’Ivoire championne en 2015, elle a pâti des départs en cascade de leurs tauliers qui les avaient emmenés sur le toit de l’Afrique lors de la CAN de 2017. Le capitaine Yaya Touré, son frère Kolo Touré et le légendaire gardien Copa Barry ont tous pris leur retraite internationale après cette victoire en Guinée Équatoriale. Une transition qui ne s’est pas passée comme l’auraient souhaité les Ivoiriens malgré les joueurs à forts potentiels présents dans l’équipe mais en méforme. Ce fut le cas pour Max Alain Gradel qui enchaînait les blessures ; Gervinho avait raté la CAN à cause d’une blessure aux ligaments croisés et Wilfried Bony n’était pas au top de sa forme du côté de Manchester City, barré par la concurrence.
Pour l’Algérie, la donne est tout autre. Champions en titre de la 32e édition de la CAN, les fennecs venaient, logiquement, avec la casquette de favoris pour cette compétition qui s’est tenue au Cameroun. Un statut conforté par leur dynamique de 34 matchs sans défaite. Les feux étaient au vert pour les hommes de Djamel Belmadi. Mais c’est sans doute ces prédispositions qui ont insufflé aux Algériens un léger excès de confiance perdant par la même occasion les valeurs qui fondent leur équipe : rage de vaincre, bloc solide… L’excès de confiance est aussi l’une des raisons de l’élimination du Cameroun en huitièmes de finale de la CAN de 2017 contre le Nigéria.
L’exception sénégalaise ?
Au vu de tous les facteurs susmentionnés, il serait logique de s’interroger sur le cas du Sénégal après leur triomphe continental. Bien que le onze d’Aliou Cissé soit essentiellement composé de joueurs ayant la trentaine ou s’en rapprochant (Sadio Mané, 29 ans ; Cheikhou Kouyaté, 32 ans ; Kalidou Koulibaly, 29 ans ; Saliou Ciss ; 32 ans…), l’effectif du Sénégal est relativement jeune et possède une moyenne d’âge de 26 ans. Et la transition s’effectue déjà, ce, sur toutes les lignes. En attaque, on constate depuis plusieurs années la montée en puissance d’Ismaila Sarr. L’ailier de Watford est désigné comme le lieutenant de Sadio Mané en attaque. Toujours en attaque, cette 33e édition de la CAN a permis de mettre un peu plus en lumière le talent du jeune Cheikh Bamba Dieng.
Le milieu de terrain semble aussi avoir de beaux jours devant lui avec des joueurs comme Pape Gueye, Pape Matar Sarr… Cette Coupe d’Afrique des nations a aussi révélé aux yeux du monde les qualités défensives d’Abdou Diallo (25 ans) mais aussi de leadership. En témoigne son discours galvanisant dans les vestiaires après la victoire sur la Guinée Équatoriale en quarts (3-1). Toujours en défense, Pape Abou Cissé a aussi montré qu’il pouvait être l’un des patrons de cette équipe dans le futur après avoir gardé la baraque lors des deux premiers matchs en l’absence de Kalidou Koulibaly.
Il est clair qu’au niveau du renouvellement d’effectif, Aliou Cissé ne devrait pas avoir trop de casse-têtes sans compter les binationaux qui toquent à la porte de la sélection (Boubacar Kamara, Sofiane Diop, Malang Sarr…) Le défi se situerait au niveau de la remobilisation des troupes. On ne le dira jamais assez, Sadio Mané & Co sortent d’une campagne historique auréolée d’un premier titre continental pour le Sénégal. Suite à une telle performance, il serait sûrement difficile de demander aux joueurs de maintenir le même niveau d’engagement à l’image de l’Algérie.
Mais cette dernière inquiétude pourrait vite se dissiper au vu des joueurs d’expériences présents dans le groupe ayant faim de victoires. Un appétit qui devra vite être retrouvé. Les Lions croiseront de nouveau le fer avec les Pharaons les 24 et 29 mars prochain pour le dernier tour des barrages de la coupe du monde Qatar 2022.