Mouhamadou Cissé s’est trompé de cible. De bonne foi. Quelques jours après son retour à Louga, le 4 avril, cet émigré établi en Suisse décide d’aller régler son compte à un certain B. F qu’il soupçonne d’entretenir une relation adultérine avec son épouse. Un jour, en fin de soirée, il s’empare de son pistolet 9 mm, quitte chez lui et se rend au domicile de l’amant présumé, au quartier Santhiaba Sud. Il tire deux coups de feu en l’air, histoire de «lui faire peur», précise-t-il.
Il y avait un problème : Mouhamadou Cissé n’était pas chez B. F. «Malheureusement, je l’ai confondu avec B. S, un autre vendeur de portable (ils ont le même prénom)», admet-t-il hier à la barre du tribunal de grande instance de Louga où il était jugé pour mise en danger de la vie d’autrui et détention d’arme sans autorisation administrative.
L’émigré assure que dès qu’il s’est rendu compte de son erreur, il a «demandé pardon à B. S». Ce dernier était d’ailleurs averti par un de ses proches des intentions de Mouhamadou Cissé. Et, raconte-t-il au juge, puisqu’il n’avait rien à se reprocher, il a ignoré la mise en garde. Mais lorsqu’il a entendu les deux détonations, il a alerté la police.
D’après L’Observateur, qui a fait le compte-rendu d’audience, les éléments du commissariat central de Louga se sont déployés sur les lieux. Ils ont ramassé deux douilles de 9 mm avant de procéder à l’arrestation du tireur.
À la barre, ce dernier a reconnu sa faute. Mais auparavant, il est revenu sur les origines de ses doutes sur sa femme. «Je vis en Suisse, introduit-il. Tous les quatre mois, je viens au Sénégal. Je suis d’ailleurs revenu le 4 avril. Quelques jours après, j’ai demandé à ma femme de me donner les 7 millions qu’elle devait verser dans mon compte. À ma grande surprise, elle déclare qu’elle ne sait plus où est passé l’argent. J’ai tout fait pour la convaincre de me dire la vérité, en vain.»
Pour être fixé, Mouhamadou Cissé confisque le téléphone de son épouse et celui de leur femme de ménage avec l’espoir de trouver dans indices concernant, dit-il, la disparition de son argent. Mais c’est la tablette de son fils qui le mettra sur une piste. «Ma femme l’utilisait (la tablette) pour communiquer avec le nommé B. F, raconte l’accusé. Au début de leurs discussions, ils parlaient d’argent, mais à la fin, ce dernier lui a envoyé un message déplacé : ‘Je ne peux pas dormir, si tu étais près de moi, nous passerions de bons moments’.»
De plus, rapporte L’Observateur, Mouhamadou Cissé apprendra que son épouse était en compagnie de B. F lorsqu’elle était partie récupérer les titres de propriété d’une parcelle appartenant à son mari pour les déposer en gage auprès d’un commerçant pour une dette de 8,2 millions de francs CFA. Aux yeux de l’émigré, il était ainsi établi que son épouse roucoulait avec B. F.
Devant le tribunal, ce dernier a pris le contrepied du mari présumé cocu. Il dit : «Elle (la femme de l’émigré) me sollicitait souvent quand elle était confrontée à un problème d’argent. Elle avait besoin de 7 millions pour rembourser l’argent de son mari qu’elle a déclaré avoir utilisé pour une opération d’achat de terrains dans laquelle elle aurait été escroquée. Pour l’aider, je l’ai mise en rapport avec quelqu’un qui s’était engagé à lui prêter 7 millions qu’elle devait rembourser en payant des intérêts de 1,2 million. Mais au dernier moment, le créancier a changé d’avis parce que les titres de propriété qu’elle avait mis en gage appartenait à son mari.»
Quid du «message déplacé» envoyé à l’épouse de l’émigré ? B. F assure que celui-ci est l’œuvre d’un de ses amis qui avait pris son téléphone en pensant qu’il s’adressait à sa petite-amie.
Les débats ont duré deux heures au terme desquelles le parquet a requis l’application de la loi contre Mouhamadou Cissé. L’avocat de ce dernier, Me Nfamara Mané, a plaidé la clémence. Son vœu sera exaucé : son client a été déclaré coupable, mais dispensé de peine.