Candidat de la coalition Benno Bok Yakaar (Bby) dans la commune de Fann-Point-E-Amitié, Abdou Karim Fofana s’est distingué des autres candidats par son livre-programme. Dans cet entretien accordé à L’Observateur, il explique sa démarche, liste les maux de la commune et fait parler son programme structuré autour du slogan suivant : faire de Fann-Point-E-Amitié la commune la plus sûre, la plus propre, la plus aménagée, la commune où les soins de santé sont les plus accessibles
Vous avez compilé votre programme dans un livre, pourquoi une telle démarche ?
Avant de parler de la démarche de campagne, il faut parler de la démarche politique en général. La politique, c’est comprendre ses co-administrés, comprendre les populations de sa commune, être en intelligence avec elles et leur proposer un projet politique qui leur permette d’adhérer ou non. Pour cela, depuis les élections de 2014 où j’étais arrivé troisième, je n’ai cessé de travailler en allant à la rencontre de toutes les couches de la population. En 2021, on a démarré une campagne d’écoute, à ce jour (lundi dernier), on vient de boucler la 732ème maison qu’on a visitée depuis le 1er juin 2021. Je n’ai pas compté avant juin. L’idée, c’était d’écouter et de connaître les préoccupations des populations pour savoir quelles étaient leurs priorités.
Qu’est-ce qui est ressorti de ces échanges avec les populations ?
Nous avons noté qu’au-delà de l’emploi des jeunes qui est un sujet national, la sécurité était la première préoccupation des populations. Vous avez sans doute entendu ce taximan qui a été assassiné et abandonné dans un taxi vers la Piscine olympique au Point E. Chaque semaine, on a une anecdote sur des sujets d’agression, de délinquance, de vol à l’arraché, de délinquance motorisée qui tire des téléphones, qui tire des sacs. Il y avait cette urgence et nous avons noté que les populations commençaient à avoir une peur bleue le matin pour aller à la mosquée, en plein jour et le soir. Notre commune est particulière parce qu’elle fait partie des rares communes qui ont un budget qui dépasse le milliard F Cfa. Nous sommes à 1,8 milliard F Cfa. L’acte 3 de la décentralisation, des communes comme la nôtre en ont beaucoup bénéficié. Nous sommes passés d’un budget de 400 millions FCfa à un budget de 1,8 milliard FCfa parce que l’Etat nous a transféré la trimf, c’est une part de la fiscalité de l’Etat, la patente et la contribution économique locale (Cel) qui est venue renforcer les moyens de la commune. Nous avons un budget conséquent. Pour la sécurité, sur le budget de 1,8 milliard F Cfa, si nous y consacrons seulement 100 millions FCfa, nous aurons 100 agents de sécurité qui pourront faire des rondes, en relation avec la police. J’ai entendu à la télé, le maire sortant dire que les agents de sécurité doivent être assermentés. Il oublie que l’Etat du Sénégal a créé l’Agence de sécurité de proximité (Asp) qui a un programme qui s’appelle «Quartier sûr». Les communes ou les associations d’habitants cotisent et l’agence met à leur disposition des agents de sécurité. On peut même aller plus loin, avec par exemple, la Sagam pour disposer de véhicules de ronde. Ces 730 visites nous ont permis aussi de réfléchir à travers des forums et de structurer un projet. Quand on a vu la qualité des propositions, nous nous sommes proposés de faire un livre pour raconter le vécu, le quotidien des populations de notre commune, leurs préoccupations. Ecouter, c’était la première phase (Deglou-Disso), c’est-à-dire discuter et après, mettre en œuvre notre programme, si nous sommes élus.
On vous a vu écrire en première page de votre livre-programme, «ensemble changeons de cap en 2021», le nouveau cap c’est vers où ?
C’est un changement d’échelle d’ambition. J’ai l’impression que dans une commune comme Fann-Point-E-Amitié, le maire que nous avons, Palla Samb, est très en retard dans sa manière de gérer. Il est encore dans le misérabilisme municipal. Il pense que la commune doit être juste un guichet social et non un outil de développement, un outil de transformation économique. Nous sommes l’une des rares communes où 95 voire 98% des rues sont goudronnées. Ce n’est pas une commune où on va vous demander des bornes fontaines, l’accès à l’eau, l’électricité. On doit essayer de transformer qualitativement la vie des populations et cela passe par la sécurité, le cadre de vie, la transformation économique, l’éducation. Nous n’avons que 22 000 habitants. Pour sortir de ce misérabilisme municipal, sortir du guichet social, nous devons viser très haut. La commune de Fann-Point-E-Amitié doit être non pas une commune sûre, mais la commune la plus sûre de l’Afrique de l’ouest, la commune où il y a le moins d’agressions, le moins de cambriolages, le moins de délinquance. Elle doit être la commune la plus propre de l’Afrique de l’ouest, où les centres de santé sont les plus accessibles. On a l’hôpital Fann, plusieurs cliniques privées dans la commune, le centre de santé Gaspard Camara. Mais, il faut aller voir l’état des personnes âgées qui font des kilomètres pour aller au centre de gériatrie de Ouakam. Nous sommes l’une des rares communes où, peut-être dans chaque quartier, on doit pouvoir avoir un poste de santé, parce que le budget nous le permet. Sur l’éducation, nous devons être la commune où on a les meilleurs résultats scolaires. On a l’Université Cheikh Anta Diop, on a des écoles primaires avec des effectifs acceptables, mais on ne s’occupe que de peindre les rues, de faire des jardins et de les fermer après. Ça ne transforme pas la vie des gens. C’est ce qu’on reproche à notre maire. J’ai l’impression qu’il dort en classe. Il faut qu’il se réveille et qu’il sache que cette commune a un potentiel qui va au-delà de lui et de sa manière de faire. Son bilan, c’est juste un album photo qui n’a pas de chiffres. Il dit qu’il a fait du pavage, mais ne donne pas le nombre de mètres linéaires ou les surfaces, la source de financement…Même en termes de gouvernance locale, on a 46 membres du Conseil municipal et pour voter les budgets, il y a moins de 15 personnes qui votent. Il n’y a pas de démocratie locale. Les conseils de quartier ne se tiennent pas. Tout ça montre à quel point le potentiel de la commune n’est pas exploité. Encore une fois, je propose d’être la commune la plus sûre, la plus propre, la plus aménagée, la commune où il fait mieux vivre, où les soins de santé sont les plus accessibles, où on a les meilleurs résultats scolaires et surtout la commune de l’entreprenariat. On a assez de moyens pour pouvoir créer une mutuelle pour financer les femmes et les jeunes, les encadrer et leur permettre de se formaliser.
CODOU BADIANE