Exploitées par leurs employeurs et éloignées de leurs familles, des travailleuses étrangères non qualifiées évoquent leur vie, sans filtre, dans des vidéos TikTok. Dans les pays du Golfe, ces jeunes femmes sont plus isolées que jamais depuis la pandémie.
“De la liberté? Je n’en ai pas. Un seul jour de congé? Je n’en ai pas.” Voici comment Brenda Dama, une Kényane de 26 ans, décrit dans une vidéo TikTok ce que c’est de travailler en Arabie Saoudite en tant qu’employée domestique.
Embauchée en 2019, elle a quitté son pays natal pour travailler et vivre chez une riche famille saoudienne. Un choix qu’elle raconte au New York Times :
Ici, c’est vraiment très difficile. Tu finis par pleurer tous les jours. Mais quand tu vois les commentaires positifs sous tes vidéos, tu te dis : ‘Oh, cette personne me comprend.’”
Encore un peu plus isolées depuis la pandémie, les employées domestiques se sont saisies du réseau social TikTok pour raconter leur quotidien difficile. Dans ces vidéos, elles évoquent, parfois avec humour, les mauvais traitements, le harcèlement sexuel et les discriminations raciales qu’elles subissent.
Elles sont nombreuses à trouver dans ces clips et leurs commentaires une communauté de soutien. TikTok est devenu, pour certaines, une échappatoire : un endroit libre où elles peuvent rire ou exprimer leur colère. L’une des vidéos de Brenda Dama a été vue plus de 900?000 fois et a provoqué près de 5?700 commentaires.
Des travailleurs privés de droits essentiels
Dans la plupart des pays du Golfe, les travailleurs étrangers sont embauchés par l’intermédiaire d’un système de parrainage appelé la “kafala”, qui peut s’apparenter à une tutelle de l’employeur sur son employé. Pour les ONG de défense des droits humains, cette pratique perpétue une forme d’esclavage moderne.
En pratique, ce système juridique prive les travailleurs de droits essentiels : ils ne peuvent pas quitter le pays ou changer d’emploi sans l’accord préalable de leur employeur. Souvent, cette emprise va même plus loin et ces employés peu qualifiés se retrouvent privés de passeport et de téléphone portable.
Selon une étude relayée par le New York Times, il y aurait eu, en 2016, presque quatre millions de travailleurs domestiques dans les pays du Golfe. Grâce à l’application TikTok, ces femmes peuvent enfin nouer des liens et briser leur isolement.