Affaire des prêts sur gage du crédit mutuel : Les incroyables découvertes de l’enquête…

Le détournement de 540 millions de Fcfa au Crédit mutuel du Sénégal (Cms) a été rendu possible par la mise en place d’une entente illicite très rôdée. Et, selon le journal Libération qui a fait éclater l’affaire, pour tous les cas de « prêts sur gage » concernés, le modus operandi était le même !

Face aux conclusions accablantes des enquêteurs de la sections de recherches sur le carnage financier au Crédit mutuel du Sénégal, le parquet était dans l’obligation de requérir l’ouverture d’une information judiciaire qui a conduit, la semaine dernière, au placement sous mandat de dépôt d’Astou Kounta (femme d’affaires), Antakadior Moussa Sagna (agent du (ms), El Hadji Amadou Kassé Guissé (bijoutier), Samuel Ndour (agent du (ms) et Raymond Ngom (ancien chef d’agence).

Après enquêtes, les gendarmes ont été formels: «Il ressort des investigations que les nommes Astou Kounta, El Hadji Amadou Kassé Guissé, Antakadior Moussa Sagna, Samuel Ndour et Raymond Ngom ont agi de concert pour monter des dossiers de crédits établis aux noms de différentes personnes pour le compte de madame Astou Kounta. Le préjudice est estimé à un montant global de 540.000.000 Fcfa pour cent onze (111) dossiers de crédits à raison de cinq millions 5.000.000 Fcfa l’unité ».

Les enquêteurs ont complétement cerné le modus operandi mis en place dans le cadre de cette alliance mafieuse. D’abord, Astou Kounta trouve des clients et leur promet une aide sociale de 200.000 Fcfa. Son activité délictuelle est facilitée par Antakadior Moussa Sagna, agent de crédit au Cms qui se charge de la constitution et du traitement des dossiers. En effet, ce dernier monte dans un délai expéditif un dossier de crédits pour des clients qu’il sait être des prête-noms et à leur insu, pour la plupart.

Après cela, détaillent les enquêteurs, Astou Kounta, en compagnie de Samuel Ndour, responsable des gages, amène les bijoux chez le bijoutier El Hadj Amadou Kassé Guissé pour expertise et évaluation. Après quoi, Guissé remplit le bordereau de gage contresigné par Samuel Ndour, procède au scellement des bijoux, en principe devant la bénéficiaire, et les remet à Ndour qui les dépose dans les coffres de la banque.

À l’issue, le chef d’agence Raymond Ngom valide le dossier et autorise le paiement. Aussi, le prête-nom récupère l’argent ( cinq millions de Fcfa) à la caisse et les remet à Antakadior Moussa Sagna qui lui donne 200.000 Fcfa à titre d’aide de la part d’Astou Kounta. « Le reste étant partagé entre cette dernière et ses acolytes après paiement de certaines échéances », renseignent les gendarmes. Mieux, renseignent-ils, toutes les personnes impliquées dans la procédure étaient conscientes que l’emprunteur n’est pas le véritable bénéficiaire du montant prêté. Autrement dit, les clients n’étaient que des prête-noms.

Pour preuve, lorsque la dame A. Diop s’était désistée, Antakadior Moussa Sagna a tout de même débloqué la somme et c’est Raymond Ngom qui l’a contactée pour la persuader de prendre les deux cent mille. Cet état de fait démontre à suffisance qu’il y a eu entente préalable entre les mis en cause en vue de commettre un délit continu. Ils ont d’ailleurs affirmé qu’ils savaient qu’Astou Kounta utilisait des prête homs », indiquent les enquêteurs. Concernant Samuel Ndour, en plus de contresigner le formulaire de gage rempli par le bijoutier, il accompagnait Astou Kounta chez ce dernier pour remettre des bijoux pour expertise tout en sachant qu’elle n’est pas la bénéficiaire inscrite sur le bordereau.

« La validation du bijoutier El Hadj Amadou Kassé Guissé a été très déterminante car c’est sur cette base que le prêt est accordé. Seulement, sur les 111 dossiers établis par Sagna sur demande d’Astou Kounta et expertisés comme étant de l’or par Guissé, les 110 sont certifiés comme faux d’après les résultats du service régional des mines et de la géologie de Dakar », font valoir les enquêteurs.

Toujours selon Libération, s’agissant d’Antakadior Moussa Sagna, ces derniers révèlent qu’il est au cœur de ce système, de la constitution des dossiers à la remise des fonds. Il coordonnait avec Astou Kounta et ses prête-noms durant tout le processus. Pour ne pas éveiller de soupçons, il se chargeait de retarder les échéances en ponctionnant sur les montants retirés par les prêtre-noms pour solder les prêts contractés antérieurement.

En l’espèce, un montant de 55.839.300 Fcfa a pu ainsi être injecté pour une dette totale de 555.000.000 Fcfa. Enfin, soulignent les enquêteurs, Astou Kounta admet être à l’origine de tous ces dossiers qu’elle a pu constituer avec l’aide des agents Sagna et Ndour. Elle reconnait devoir à la banque les sommes décaissées mais déclare qu’elle a bien gagé des bijoux en or et ne reconnait donc pas les bijoux saisies. « Pourtant, avant l’ouverture des enveloppes aux fins d’une nouvelle évaluation par le service des mines et de la géologie de Dakar, madame Kounta et le bijoutier ont confirmé qu’il s’agit bien de leurs scellés et qu’ils sont intacts. Ne pas reconnaitre les bijoux parce qu’ils sont testés négatifs relève de la mauvaise foi.

L’implication de la dame est d’autant plus manifeste qu’elle n’est pas capable de justifier la provenance de l’or qu’elle prétend avoir mis en gage pour ses 111 prête-noms. À noter que le poids total de l’or prétendument gagé tourne autour de 18,7 Kg », selon les gendarmes pour qui il est évident que les mis en cause ont agi en connaissance de cause. Pour se défendre, Astou Kounta est même allée jusqu’à dire qu’un jour un des agents en cause était ivre et avait oublié dans le hall du Cms un scellé de bijoux gagés.

D’après les gendarmes, les agents du Cms en l’occurrence Raymond Ngom, Antakadior Moussa Sagna et Samuel Ndour ont activement participé à la commission des infractions retenues à leur encontre de par leurs agissements qui sont en porte à faux avec les règles régissant le fonctionnement de leur structure et contre ses intérêts. «Ils prétendent tous n’avoir pas bénéficié de largesses ni avoir reçu de pots-de-vin de la part de madame Astou Kounta malgré les énormes risques qu’ils ont pris pour lui faciliter son activité délictuelle. Le caractère expéditif du traitement des demandes de prêt, objet de notre enquête ainsi que les nombreux subterfuges utilisés pour faire passer les dossiers avec la participation du bijoutier sont révélateurs de l’entente préalable », ont conclu les gendarmes.

Mouhamadou Moustapha GAYE (dakaractu.com)

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