[Focus] Retour du poste de PM : Tout ça…pour ça

Sacrifié sur l’autel du fast track, le samedi 4 mai 2019, il aura fallu deux ans et six mois pour que le poste de premier ministre soit restauré. Un revirement qui cache mal un aveu d’échec.

Pompeusement annoncé le 6 avril 2019, dans le sillage du fameux fast-track, et défendue bec et ongles sur tous les plateaux télé, la suppression du poste de Premier ministre s’est dégonflée comme un ballon de baudruche au bout de deux ans et six mois. Chargé de vendre et de driver la réforme qui allait sceller le sort du poste qu’il occupait jusqu’alors, à l’issue de la lecture de la liste du nouveau gouvernement par Maxime Jean-Simon Ndiaye, Mouhamed Boun Abdalah Dione déclarait le 6 avril 2019 : « il est venu un temps nouveau. Le temps d’un mieux d’Etat pour rapprocher justement l’administration des administrés, comme le Chef de l’Etat en parle très souvent à travers le concept administration de développement ».

L’idée a été fécondée au lendemain de sa réélection, le jour de sa prestation de serment devant le conseil constitutionnel, le 3 avril 2019, le président réélu, Macky Sall annonçait implicitement « des changements dans la gouvernance de l’exécutif pour un meilleur suivi des politiques publiques ». L’objectif était de « resserrer » l’organe gouvernemental et « recentrer » les missions essentielles de l’Etat. Et ceci sur la base de trois viatiques : « la simplicité dans l’organisation, la souplesse dans l’action et le fonctionnement et enfin, la clarté et la lisibilité des échelles de responsabilité ».

Ainsi, Macky avait jugé approprié de « reconsidérer le niveau intermédiaire de transmission et d’animation gouvernementale que constitue la fonction de premier ministre pour être lui-même au contact direct avec les niveaux administratifs chargés de l’application, de l’exécution et de la mise en œuvre ». En des termes plus clairs -exit le jargon du marketing politique-, il venait de décider de la suppression du poste de premier ministre. Et ceci, contre toute attente puisqu’en aucun moment, aussi bien pendant la précampagne que la campagne présidentielle  cette réforme n’a fuité.

22 articles de la constitution modifiés

Enfantée dans la douleur en dépit des cris d’orfraie de l’opposition, de la société civile et des praticiens du droit (débats houleux sur la question, arrestation de Guy Marius Sagna et d’autres activistes), le projet de loi a été adopté avec toutes ses incidences sur la constitution. Au total 22 des 108 articles de la Constitution, soit le cinquième du texte fondamental, ont été modifiés. Il s’agit des articles 40, 43 49 50 51 52 53 55 56 57 59 76 80 81 82 83 84 85 86 87 101 et 103 de la constitution.

Tout ce chamboulement, pour, dit-on, «diminuer les goulots d’étranglements ». In fine, ces « goulots d’étranglements » qu’on cherchait à réduire se sont mués en de véritables bouchons. En effet, entre cafouillages, cacophonies, doublons, errements et chevauchements, le gouvernement new-look a littéralement perdu le nord, en l’absence d’un métronome capable de mettre en cohérence les notes discordantes de cet orchestre.

Un gouvernement en perdition

D’ailleurs à ce propos, le journaliste Madiambal Diagne déclarait dans sa chronique du 1er juin 2020 : « la crise provoquée par la pandémie du Covid-19 a révélé les faiblesses, carences, lacunes et autres dysfonctionnements dans l’action du gouvernement. Les ratés sont nombreux. Et comme touchés par une malédiction, les ministres n’arrivent presque plus à faire les choses comme cela se devrait. A la vérité, ce gouvernement ne peut pas aller plus loin, au risque d’abîmer l’image du chef de l’Etat et de finir par compromettre tout ce que le Président Macky Sall a eu à réussir dans sa gouvernance publique ».

Les hésitations et tâtonnements étaient si perceptibles que le Président de la République a dû procéder, à son corps défendant, à un remaniement en novembre 2020, histoire de changer de fusil d’épaule. Mais, force est de constater qu’il ne s’agissait point d’une question d’hommes mais plutôt de système puisqu’un an après ce changement de l’attelage gouvernemental, la mayonnaise n’a toujours pas pris. Macky Sall s’est finalement rendu à l’évidence, ce mercredi 24 novembre 2021, en retournant au statu quo ante avec la restauration du poste de Premier Ministre.

Aveu d’échec !

Il faut également noter que de 1960 à nos jours, c’est sous Macky Sall que la suppression a le moins duré, deux ans et six mois. Sous Léopold Sédar Senghor, la suppression du poste est intervenue au lendemain de la crise politique de décembre 1962 (entre Senghor et Mamadou Dia). Senghor a gouverné sans PM de 1963 jusqu’en 1970, soit 7 ans.

Élu pour la première fois à l’issue de l’élection présidentielle du 27 février 1983, Abdou Diouf qui a achevé le mandat de Senghor, décide de supprimer le poste de premier ministre le 3 avril 1983. Ce n’est que 8 ans après, en 1991 que le poste de Pm sera réhabilité.

Si Pour Senghor et Diouf cette suppression était motivée par une volonté de prise en main réelle du pouvoir (Senghor voulait mettre fin au bicéphalisme à la tête du pouvoir et Diouf a voulu prouver sa légitimité), pour Macky Sall, réélu avec plus de 58% des suffrages, les motifs servis peinent à convaincre. Ce virage à 180 degrés n’est en réalité qu’un aveu de l’échec d’un schéma irréfléchi.

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