Interview – Papiss Demba Cissé sur son avenir : “mon objectif est d’aller voir ailleurs”

Papiss Demba Cissé ne compte pas rester à Fenerbahçe. C’est dans cet entretien qu’il nous a accordé qu’il en a fait la révélation. Pour lui, son avenir se trouve ailleurs. L’attaquant sénégalais a aussi abordé son absence en Équipe nationale, la décision de Aliou Cissé de ne pas le sélectionner ainsi que sa relation avec ses jeunes frères Sadio Mané et Krépin Diatta. Pour sa reconversion, Papiss Cissé s’est lancé dans l’agro-business.

Les Echos : Comment s’est passée votre saison au Fenerbahçe ?

Papiss Demba Cissé : Je peux dire que ça s’est bien passé, Alhamdoulilah. Parce que jouer une saison et la finir est déjà une bonne chose. Ce qui m’a un peu fait mal, même si c’est des choses qui arrivent, c’est qu’on ait fini 3e du championnat. Je voulais vraiment être champion parce que c’était mon objectif pour cette saison.

Combien de buts avez-vous marqués cette saison ?

J’ai marqué 5 buts. Ça s’explique du fait que je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu. Quand je suis arrivé en cours de saison, ils avaient déjà joué 5 matchs. J’ai tout pris sur moi parce que je pense qu’ils devaient prendre une décision, je l’ai acceptée. Mais je ne lâche rien. Je vais continuer mon bout de chemin et voir ce que ça va donner l’année prochaine.

Justement pour l’année prochaine, vous êtes annoncé dans plusieurs clubs d’Europe, qu’en est-il exactement ?

Oui c’est vrai (rire). Même mes amis m’ont demandé si j’avais un contrat sans qu’ils soient au courant. Sincèrement, il n’y a rien de vrai dans tout ça, pour le moment. J’ai une option avec Fenerbahçe, mais mon objectif est d’aller voir ailleurs. Après, tout dépend du déroulement des choses. Je prendrai la meilleure offre. Je suis en discussion certes avec des clubs, mais pour l’instant, je ne peux pas m’avancer sur les détails. On travaille là-dessus. On verra, mais ça sera pour bientôt Inchallah.

Vous avez beaucoup voyagé ces dernières années en passant par plusieurs clubs, pensez-vous vous poser quelque part un instant ?

Oui ! Voyager fait partie de notre quotidien de footballeur. C’est vrai, j’ai eu la chance de découvrir beaucoup de pays, beaucoup de championnats, des gens différents, des personnalités différentes, des langues différentes. C’est un plus pour moi, d’autant plus que je n’ai pas été à l’école. Ça m’a beaucoup aidé dans ma carrière, dans ma vie. Ça m’a permis de comprendre énormément de choses. Je vais prendre mes voyages pour quelque chose de positif pour ma carrière.

Vous faites partie des meilleurs attaquants sénégalais du moment. Qu’est-ce que ça vous fait d’être absent de la sélection nationale ?

Mon absence en Équipe nationale ? Ce n’est pas moi qui décide. Il y a un coach qui est là, un grand-frère, parce qu’avant de le considérer comme entraineur, je le considère comme un grand-frère. Il est là et c’est lui qui décide. Donc on est obligé de se fier à sa décision et continuer notre bout de chemin. Je ne suis pas le seul joueur qu’il n’a pas appelé. Je ne vais pas réclamer une sélection. Jamais de la vie. Je reste dans mon coin et continue mon travail. Si un jour, il a besoin de mes services, je serai là.

Qu’est-ce qui s’est passé réellement entre vous et Aliou Cissé pour qu’il ne vous sélectionne pas ?

Sincèrement, rien ! En fait, quand on me pose cette question, je reste bouche bée. Parce que sincèrement, je ne sais pas. Je me rappelle que depuis qu’il a pris l’Équipe nationale, on ne s’est jamais vu. Aliou Cissé, on ne s’est pas vu plus de 3 fois, si je ne me trompe. La première fois, c’était en France, je jouais à Sedan, la deuxième fois, c’était lors du match contre la Côte d’Ivoire ici au Sénégal, dans les vestiaires. On n’a plus jamais eu de contact depuis qu’il a pris l’équipe. Voilà, entre des gens qui ne se voient pratiquement pas, il ne doit pas y avoir de problème. Je ne sais pas pourquoi les gens pensent qu’on a un problème lui et moi. Il n’y en a pas.

Comment voyez-vous l’Équipe nationale du Sénégal, avec cette pléthore de jeunes talents ?

On a une très bonne équipe. Le seul problème, ce sont les résultats. Tout le monde sait ce qu’on attend : gagner un trophée. Tous les Sénégalais attendent ce sacre ; c’était valable pour notre génération et celles d’avant. A part ça, l’équipe va bien.

Qu’est-ce qui manque alors au Sénégal pour gagner son premier trophée ?

Pour gagner un match, il faut marquer des buts. Il n’y a pas à chercher midi à 14h. Je ne critique pas les attaquants, que ce soit clair. Je suis même allé jusqu’à ne plus regarder un match pour ne pas critiquer. Je suis footballeur, je sais comment c’est difficile pour un attaquant de se procurer une occasion et de la mettre au fond. C’est pour ça que je ne me permets pas de critiquer un attaquant. Dans leurs clubs, ils marquent des buts ; peut-être qu’il y a un blocage quelque part. Ce qui est sûr, c’est que les gens attendent beaucoup de ce côté.

Quelle est la relation que vous avez avec Sadio Mané et Krépin Diatta qui sont issus du même terroir que vous ?

Ce sont mes petits-frères. On a de très bonnes relations. Sadio, on se parle pratiquement tout le temps. Ça fait longtemps quand même qu’on ne s’est pas vu. Mais il voit ma famille. Ma femme et mes enfants vont souvent voir ses matchs. Krépin aussi de même. Il a été chez moi avant d’aller en Belgique. Lui aussi, on ne s’est pas vu depuis un moment, mais je garde un œil sur lui et sur les choses extraordinaires qu’il est en train de faire. Je vais juste lui dire de continuer comme ça. Il lui reste beaucoup à apprendre et il peut le faire.

Papiss après le football, ce sera qui exactement ?

Un businessman ! (rire)

Dans quel domaine exactement ? Vous allez retourner aux champs de riz ?

(Rire) S’il le faut, oui, je n’hésiterai pas à retourner aux Faros (rizières). J’y suis né et j’y ai grandi et je n’ai pas peur d’y retourner. Ma grand-mère m’y a initié. Retourner à l’agriculture est une option pour moi. Ça fait partie de mes projets. Là je suis en train de mettre en place une académie sport-étude Jules François Bocandé. Parce que je pense que son nom et ses œuvres doivent être connus par nos arrière-petits-fils. Il ne faut pas qu’on l’oublie. On est aussi en train de se lancer dans le marché de briques et de pavés avec des machines. On m’a dit que ça peut employer beaucoup de personnes. Il y a aussi Pakao-Agro qui a déjà commencé depuis 4 ans. Comme je disais tout à l’heure, je retourne aux Faros, même si on n’est pas à 100% dedans, contrairement à l’élevage et l’agriculture. Je me suis investi pour qu’après ma carrière, je ne perde pas de temps. J’ai mes amis qui m’aident aussi, les Assane, Mamadou Diop, Baba Hanne, Souti qui gèrent la structure. Sincèrement, on est en train de faire un énorme travail pour aider les gens. J’ai aussi investi dans une université qui ne dispense que des cours d’anglais. J’y travaille actuellement.

Et une reconversion en tant qu’entraineur ou manager sportif ?

(Rire) Non, je ne me vois pas être entraineur. Parce que c’est très difficile de faire des choix. Je ne peux pas prendre un joueur aux dépens d’un autre. Je ne pense pas pouvoir exercer ce métier. J’opte pour le business qui peut m’apporter quelque chose en aidant les gens à obtenir du travail.

Visiblement vous êtes déjà dans ce business là…

Oui effectivement, je suis dans ce projet que je construis peu à peu. Je suis en train d’embaucher des Sénégalais dans ma compagnie, qui ont des salaires chaque mois. J’ai investi au Sénégal. C’est vrai que c’est un défi, mais le plus important, c’est qu’on y gagne tous.

Est-ce que ces investissements que vous faites sont liés à votre passé, si l’on sait que vous avez eu un dur parcours ?

Oui et oui. Parce que je viens d’une famille qui avait des difficultés. J’ai vu mon père, ce grand soldat qui s’est battu pour nous faire vivre, nous habiller, alors que ce n’était pas évident, parce que les choses n’étaient pas faciles. On l’appelait l’homme aux douze métiers, parce qu’il était menuisier, maçon, pêcheur, charretier etc… Tout ça pour ne pas quémander.

Il parait que vous avez été ambulancier…

Oui c’est vrai que j’ai été chauffeur d’ambulance, parce que je voulais en faire mon métier. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai appris à conduire une voiture. Mais, il y avait des grands frères qui m’ont conseillé d’arrêter. «Tu peux aider encore mieux, va tenter ta chance dans le football. Si ça marche tu pourras aider les gens d’ici ; au cas contraire, tu peux toujours revenir conduire l’ambulance», me disaient-ils. Je me suis dit qu’ils avaient raison. Ce qui fait qu’aujourd’hui, avec toute l’expérience que j’ai amassée, je n’ai pas oublié d’où je viens. Ça m’a donné la force de pousser mes limites et revenir aider les gens qui n’ont pas eu l’opportunité que j’ai eue. J’ai plus de 35 employés dans ma compagnie et c’est une fierté de réaliser tout ça. Pour moi, la réussite, c’est de partager ce qu’on gagne avec les gens qui en ont besoin. Je pouvais rester chez moi en Angleterre avec ma famille, mais pour moi, il faut toujours aider les gens, même s’il y a un business autour.

 

Avec les Échos

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